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  • Tim Guillois

La culture, levier de création et de partage de valeurs


Damien RIBON


Créer de la valeur pour ses clients, tout en répondant aux besoins des collaborateurs et aux enjeux du développement durable, c’est aujourd’hui la question de la « bonne culture » pour l’entreprise, au croisement de quelques archétypes simples.

Quel dirigeant n’aspire pas à davantage d’agilité de son entreprise dans un environnement ambigu et turbulent ? Quel dirigeant ne souhaite pas pousser à la fois l’innovation, l’intelligence collective et un sain esprit de compétition externe, tout en minimisant le fonctionnement hiérarchique ?

Il est intéressant de constater que cette typologie de cultures d’entreprise – innovation, collectif, marché et hiérarchie* – est intuitive et largement utilisée par les leaders pour créer du sens avec leurs équipes. Force aussi est de remarquer que c’est au croisement de ces « archétypes » que se crée le plus souvent la valeur pour les clients, premier objectif d’une entreprise et gage de sa pérennité. Ce qui est structurant pour l’organisation et détermine donc la façon réelle de traiter les collaborateurs et d’aborder les enjeux du développement durable. Aussi, nous voulons ici défendre comment ces croisements restent l’approche la plus pratique pour aborder la « création et le partage de valeurs » et indiquer certaines limites propres à chaque choix.

L’agilité opérationnelle, orientée vers la qualité

Ancrée dans l’archétype « collectif », il s’agit de compléter l’intelligence du groupe par des normes partagées par tous et améliorées de façon continue, tournées vers la qualité des produits et des services. Ce fonctionnement, qui passe par la polyvalence des équipes, donne une grande agilité tactique et permet de s’ajuster aux demandes des clients. Le leadership est alors principalement celui du coaching et du soutien. L’analogie la plus adaptée est celle de l’équipe de sport. Une entreprise comme Decathlon incarne bien cette approche, qui met l’intelligence collective au centre du modèle et promeut les valeurs sportives. Pour les collaborateurs, elle répond d’abord à leur besoin d’appartenance à un collectif soudé. Du point de vue du développement durable, l’optimisation continue de l’usage des ressources permet de réduire l’impact environnemental. La première limite de ce modèle reste l’adaptation à des changements drastiques du contexte, car il ne favorise pas les ruptures d’innovation. Par ailleurs, la forte interdépendance au sein des équipes peut freiner la prise d’initiative individuelle.

L’agilité stratégique, pour des innovations en rupture

Mixte d’innovation et d’une logique de marché, cette approche s’appuie sur des chefs de projet bien identifiés. Ils portent chacun une partie de la vision du dirigeant et sont capables d’utiliser les ressources pour arriver rapidement à introduire sur le marché des offres en rupture. Ces leaders de projet savent partager leur vision et challenger pour créer autour d’eux les conditions d’un débat fructueux entre contributeurs experts. Une validation régulière de l’intérêt des prototypes oriente l’allocation des ressources pour passer en phase de commercialisation. Cette approche est adaptée pour créer une différenciation en avance de phase sur les marchés et bénéficier d’un effet premium. Google correspond bien à ce modèle. Pour les collaborateurs, elle leur permet de se dépasser dans une approche créative et de participer à des projets à fort impact. Pour le développement durable, c’est de là que proviendront les solutions les plus innovantes. La révolution de la mobilité, tirée par l’usage de la data et de l’intelligence artificielle, en est un exemple. En termes économiques, une limite à cette approche est qu’elle peut être gourmande en capital et nécessite en permanence de nouveaux territoires à fort potentiel à explorer. Concernant le climat de travail, la compétition intrinsèque au modèle ne répond pas non plus toujours aux besoins sociaux des personnes.

Le réseau agile, tourné vers le sur-mesure

Au croisement de l’innovation et d’une culture collective, cette approche invite chaque collaborateur à trouver par lui-même ce qui est le plus utile aux autres, en lien avec la mission de l’entreprise et ses propres motivations. Partant de là, elle permet des initiatives au plus près des marchés, porteuses d’expériences uniques car fondées sur des « valeurs partagées » entre collaborateurs et clients. Le principe du leadership est celui du « leadership émergent » : tout collaborateur peut être leader à partir d’une opportunité qu’il saisit et cherche à engager les autres. Ceci nécessite plusieurs conditions : l’autonomie de l’individu dans le choix de sa contribution nécessite en amont l’adhésion aux valeurs ; il s’agit aussi d’accepter le leadership des autres lorsqu’il est établi ; il faut également adhérer à une charte qui régule le fonctionnement interne et les ajustements entre acteurs. Dans ces entreprises, les leaders inspirent par le sens et sont les gardiens de la charte. Gore-Tex reste le symbole de cette culture. Cette approche est particulièrement engageante pour les collaborateurs puisqu’elle leur permet d’exprimer leurs ressorts propres. Elle les incite aussi à être des acteurs directs du développement durable au travers de leurs initiatives locales. Certaines limites ont cependant été identifiées. La première est souvent celle de la fiabilité dans la durée, car ce mode ad hoc est opposé aux structures stables. La seconde est que la culture du débat qui caractérise se fonctionnement est antagoniste avec une logique d’efficience à court terme. Enfin, l’appréciation de la performance se fait directement par les pairs, sans filtre managérial, ce qui nécessite une autonomie affective à laquelle tout le monde n’est pas préparé.

Quelle place pour la culture hiérarchique ?

La culture hiérarchique se caractérise par des principes clairs d’autorité et par le respect des règles. Son intérêt opérationnel se situe d’abord dans la recherche de fiabilité et d’efficience. Son postulat historique, un environnement stable, est largement battu en brèche. Il n’empêche que certaines activités la justifient pleinement : projets à risques, sécurité en production, sécurisation financière… Le leadership se caractérise ici par des qualités d’organisation, de coordination et de contrôle fondées sur la compétence.

C’est aussi ici que le leader joue son rôle de protection, distinct de celui d’inspiration, de challenge ou de soutien des approches précédentes. Rôle qui correspond au besoin de sécurité des collaborateurs et qui comprend en particulier trois dimensions. La recherche de l’équité de traitement d’abord, dont l’absence est un facteur anxiogène pour l’individu en plus de source de tension collective. C’est aussi ici que le leader a une responsabilité pour ériger des barrières aux sollicitations trop agressives de l’environnement professionnel, afin de réduire les risques psychosociaux. Enfin, ce manifeste dans ce rôle la question de l’employabilité des collaborateurs, à défaut de pouvoir assurer la sécurité de l’emploi. En bref, c’est en partie là que se crée la relation de confiance avec l’entreprise, au sens de pouvoir se fier à son manager, qui la représente.

En matière de développement durable, le fonctionnement hiérarchique permet de déployer rapidement et à moindre coût les solutions qui ont fait leur preuve en termes de bénéfices. Quant à ses limites, on constate qu’il génère de la dépendance car il est souvent fondé sur le principe « loyauté contre protection » et, surtout, qu’il inhibe la prise d’initiative individuelle.

Les approches d’agilité opérationnelle, stratégique ou de réseau agile, et la juste place de l’autorité, sont évidemment à adapter à l’activité. Une entreprise industrielle ne fonctionne pas comme une start-up du digital. La recherche de la « bonne culture » nécessite donc une réflexion large, commençant par la création de valeur pour les clients, et peut se faire à partir de plusieurs archétypes simples. On peut aussi commencer cette réflexion à partir d’une dynamique inspirée du psychologue américain William James** : « Le groupe a besoin de l’initiative individuelle et l’individu a besoin du soutien du groupe. » Que signifient ces termes et leur articulation pour notre entreprise ? Quel est notre rôle en tant que dirigeants pour l’animer ?

*Diagnosing and Changing Organizational Culture, Cameron & Quinn, 2006; ** Citation : “The community stagnates without the impulse of the individual. The impulse dies away without the sympathy of the community”, William James (1842-1910).

Damien Ribon accompagne les entreprises pour réunir les conditions d’une transformation réussie au travers de la définition, de l’évaluation et du développement du leadership, et avec une attention particulière portée à la culture.


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