Guillaume CABRERE
Quand on s’intéresse au sujet du mindset, les travaux de Carol Dweck (Professeure de psychologie sociale à l’Université de Stanford) constituent un incontournable point de départ. Dans son ouvrage éponyme (“Mindset”, 2 millions d’exemplaires vendus), Carol Dweck définit les états d’esprit comme des croyances développées par chacun(e) et relatives à la perception qu’il/ elle a de ses capacités. Des croyances parfois puissantes (car datant pour certaines de l’enfance et résultant d’une forme de conditionnement), mais qui existent “seulement” dans notre tête et que nous pouvons changer. Ces croyances définissent ce que nous pensons être notre potentiel individuel. C’est ainsi qu’à travers ses recherches avec ses étudiants doctorant, Carol Dweck a mis en évidence l’existence d’un état d’esprit fixe (Fixed mindset) et un état d’esprit de développement (Growth Mindset).
Un individu doté d’un état d’esprit fixe pense que ses aptitudes sont déterminées une bonne fois pour toute et ne peuvent évoluer (le fameux “Je ne suis pas fait pour les maths”). Il a également tendance à considérer que seul le talent mène au succès, considère donc l’effort comme inutile ou dévalorisant et a tendance à éviter les challenges. Ceci est le résultat d’un blocage psychologique pouvant provenir des “impuissances” apprises comme par exemple les mauvaises notes à l’école.
L’état d’esprit de croissance (le fameux Growth Mindset, cher à Satya Nadella, le CEO de Microsoft) en est bien sûr le total opposé. Pour la personne qui en est dotée, l’intelligence n’est pas prédéterminée et peut être développée pour peu que l’on y consacre les efforts nécessaires. Les individus dotés de cet état d’esprit aiment le challenge, avancent malgré les difficultés et recherchent l’excellence.
Il est important de noter que nous avons tous en nous une part de Fixed Mindset et une part de Growth Mindset. Et bien sûr, un individu n’est pas enfermé dans un mindset donné pour le restant de ses jours. En effet, comme les travaux de nombreux chercheurs en neurosciences nous l’ont appris, le cerveau est plastique c’est-à-dire qu’il est capable de créer de nouvelles connexions toute notre vie. Autrement dit, on peut (pour peu qu’on le souhaite) toujours apprendre et continuer à se développer. Tout n’est qu’une question de volonté et d’entretien du cerveau et. Et à l’instar d’un muscle, plus on entraîne ce dernier, plus cette gymnastique devient simple. A ce titre, la capacité d’un individu à embrasser le Growth Mindset est largement indexée sur sa volonté d’apprendre en permanence et d’être en perpétuelle expansion. Et cette volonté d’apprendre est elle-même conditionnée par la nature des stimuli et feedback que chacun.e reçoit de la part de son entourage direct : parent, ami, professeur, Manager, co-équipier, etc…
Il m’a été donné de voir la puissance de cette gymnastique apprenante quand elle est érigée en principe de management, voire en routine personnelle quotidienne. C’était en 2018 à Redmond, au siège de Microsoft. Satya Nadella est un chantre du Growth Mindset qui a servi de fondation à l’impressionnante transformation business de Microsoft. En moins de 6 ans, l’éditeur de logiciels qui vendait des licences est devenu une Cloud-first et une AI-first company. La seule à ce jour, capable de rivaliser avec AWS. Dans son livre “Hit Refresh”, Satya Nadella relate comment chaque soir, il s’efforce de repenser à quelque chose qu’il a appris dans la journée et qui peut le rendre meilleur, tant sur le plan professionnel que personnel. Le français que je suis était forcément un peu plus sceptique quant à sa capacité à en faire un principe managérial généralisé dans une société de plus de 150 000 personnes. Jusqu’à ce que l’un de ses Corporate Vice President (CVP) en charge de l’intelligence artificielle me relate l’anecdote suivante. Au sortir d’une réunion avec des représentants de l’entreprise qui m’employait à l’époque et à laquelle j’avais participée quelques heures plus tôt, Satya demande à ce collaborateur senior (30 ans de maison au compteur) comment s’est passé l’échange. Le collaborateur lui répond “Très bien. Je les ai trouvés très engagés dans la discussion”. Et Satya lui demande alors : “Et toi, qu’as-tu appris à leur contact ?”. Grand blanc de la part de ce CVP qui réalise alors qu’il ne nous a posé aucune question, tout occupé qu’il était à répondre aux nôtres. Satya lui met alors la main sur l’épaule, lui sourit, puis s’éloigne. Ce collaborateur se souvient sans doute encore de ce reminder bienveillant : on peut apprendre de toute rencontre, de toute situation.
Et c’est l’une des premières exigences que formule Satya Nadella à l’égard de ses équipes : que chacun(e) prenne part au développement d’une culture de l’apprentissage permanent (“learn-it-all culture”) qui parte du client. Et sur ce point, Microsoft doit sans doute un peu à Anupama, l’épouse de Satya Nadella : la rumeur (non vérifiée) veut qu’elle lui ait offert le livre de Carol Dweck début 2015, un an après sa nomination à la tête de Microsoft…
Comments